Colloque sur l’avenir de l’enseignement français à San Francisco
Dans le cadre de la mission confiée par le premier ministre à Mme Samantha Cazebonne, nous avons organisé une réunion sur le thème de l’avenir de l’enseignement français dans la région de San Francisco le 12 avril 2018 dans le théâtre du Lycée Français de San Francisco, établissement conventionné par l’AEFE.
Dans cette région du monde les profils des familles françaises sont de plus en plus diversifiés. Les compatriotes choisissant de s’établir durablement dans la région afin d’y faire carrière et d’y fonder une famille, binationale notamment, sont de plus en plus nombreux. Nous avons invité à participer à ce colloque les représentants d’institutions d’enseignement français et les personnes intéressées par l’avenir de l’enseignement français afin de recueillir leurs expériences individuelles, de partager les bonnes pratiques et faire remonter une synthèse de propositions concrètes pour la région du Pacifique - Nord Ouest des États Unis.
En publiant la liste des questions et suggestions soulevées lors de cet évènement, nous espérons depuis San Francisco avoir contribué de manière unique au débat concernant l’avenir de l’éducation française dans le monde en général et dans notre région en particulier.
Colloque préparé et organisé par :
Sophie Lartilleux Suberville
Astrid Arnaud
Loïc Le Gland
Participants
Le panel était constitué de 9 participants ; la réunion a duré 3 heures.
En introduction une vidéo de Mme Samantha Cazebonne et de M. Roland Lescure, députés des Français établis hors de France, a été projetée. Ils ont tous les deux expliqué l’importance de ce réseau d’enseignement français et du français dans le monde et la volonté du président de la république de doubler les effectifs d’élèves d’ici 2030.
Mme Laurence Champonnier, Directrice Pédagogique de la Francophone Charter School d’Oakland.
M. Jean Charconnet, attaché de coopération pour le français auprès du consulat général de France.
Mme Gabrielle Durana, Présidente et Fondatrice de EFBA.
Mme Lise Lebœuf, fondatrice d’une petite maternelle (1 an à 5 ans) à SF, Les Kidz.
M. Sebastien Robert, Directeur de l’école primaire École bilingue de Berkeley.
M. Farid Sena, Directeur de la Francophone Charter School d’Oakland.
M. Stanislas Olivier, représentant l’Alliance Française de San Francisco.
M. Emmanuel Texier, Proviseur du Lycée Français de San Francisco (LFSF).
Mme Florence Thomas, Directrice de l’Alliance française de la Silicon Valley.
Dans le public une quarantaine de personnes françaises et francophones directement concernées par l’enseignement français et du français pour leurs enfants, des enseignants du français dans des établissements privés et publics, des représentants d’associations française, et des élus.
Thèmes abordés
1/ Identité et spécificité de l’enseignement français
a/ Qu’est ce qui le rend attractif ?
L’attractivité du système français vient de la grande pluralité des matières enseignées.
Le système français propose un nombre important de matières à enseigner surtout par rapport au système américain.
Le programme français est attractif pour le public américain parce que c’est un programme structuré, une pédagogie très structurée.
b/ Quelles sont les spécificités de l’enseignement à la française ?
La formation des enseignant est reconnue mondialement.
Le réseau français qui est présent dans beaucoup de pays donne la possibilité aux élèves de poursuivre une scolarité française à l’étranger.
Les références communes à la notion d’identité française existent dans les lycée français à l’étranger; il existe un socle qui enrichit la langue et la culture, les expressions, la façon de structurer la pensée, les codes de politesse, qui en font un bonus.
Beaucoup de réformes ont été faites ces 10 dernières années en matière :
d’évaluation positive,
de positionnement de l’enseignant par rapport à
l’enfant,
d’approche plus positive envers l’élève,
de prise en compte de l’élève et sa motivation,
d’une meilleure manière de rendre l’élève acteur
de son apprentissage
Très fort attrait et demande pour la culture française, pour la cinématographie française, pour l’exception culturelle française.
c/ Comment imaginer sa mise en place dans cette région du monde ? Quels enjeux ?
L’attractivité du système français vient de la grande pluralité des matières enseignées qui peut avoir comme effet inverse celui de ne pas aller en profondeur et d’avoir des jeunes qui ne peuvent pas suivre.
L’enseignement à l’américaine où les jeunes choisissent leur matière permet de faire un travail plus en profondeur des matières qui les intéressent.
Une demande pour que le système français puisse s’inspirer des certaines pratiques du système américain notamment en termes de bienveillance, d’écoute de l’enfant. (L’évolution mentionnée en amont paraît lente par rapport à l’expérience que les parents ont du système local.)
Il reste encore l’image d’un système scolaire français très strict et non tourné vers l’enfant. Un rappel est fait pour essayer d’arrêter de véhiculer une approche qui est celle que les parents ont expérimenté par eux-mêmes ; comment faire changer cette perception ?
Les lycées français à l’étranger sont connus pour ne pas pouvoir accueillir d’enfants en difficulté d’apprentissage scolaire. Contrairement au système américain qui prend l’enfant dans ce qu’il est et non dans ce qu’il doit être. Serait-il possible de s’inspirer de ce qui se passe localement au niveau de l’accueil des enfants et de leurs parents ? Sachant que les établissements conventionnés ne sont pas totalement similaires à la structure d’une école publique française, ils ne peuvent accueillir tout le monde. Il conviendrait cependant d’essayer de renforcer et améliorer les dispositifs d’accueil d’enfants en difficulté.
Le système américain est perçu comme présentant de grandes vertus notamment concernant l’adaptation de l’école à l’enfant, ainsi que le renforcement positif, et la manière dont on parle aux enfants.
Explication de la difficulté de l’unicité du système, et la limitation dans la rapidité à laquelle le système doit faire face puisqu’il s’agit de changer 500 établissements dans le monde.
Formations proposées pour les enseignants afin de pouvoir s’inspirer des bonnes pratiques locales.
L’éducation française à l’étranger est parfois perçue comme élitiste. Est-ce que le système revendique cette position ou essaye au contraire de s’en séparer ?
Existe-t-il d’autres critères de sélection autre que celui de parler français pour rentrer à l’école ?
Pour ne pas mettre les enfants en danger ou en échec scolaire il faut tester pour appréhender le niveau de l’élève ; est ce que ces tests pourraient être mis à disposition des parents par le biais d’une plateforme telle que IXCL pour que les enfants et parents connaissent leur niveau ?
Problème de capacité d’accueil d’une part et d’éloignement géographique sont parfois un frein à la scolarisation d’enfant français, francophone ou étranger dans les établissements d’enseignement français.
Un programme pilote va être lancé par le LFSF : français en immersion pour accueillir plus d’enfants non francophones dans le sein de son établissement.
2/ Langue française : qu’est ce qui la rend attractive ?
Le français est la langue des francophones : 53% sont en Afrique et l’attractivité est maintenant sur ce continent ; en 2050 plus de 80% des francophones seront en Afrique ; les américains l’ont compris et il faut appuyer sur cela ; Il ne suffit donc pas de se cantonner aux français de France mais parler de francophonie.
Dans la région de San Francisco où les écoles publiques sont parmi les meilleures de tout le territoire américain il est important de remarquer que certains parents préfèrent scolariser leurs enfants dans ces établissements, pour permettre à leurs enfants d’avoir ainsi un réseau social de proximité. Ces mêmes parents veulent conserver le français autant à l’oral qu’a l’écrit.
Comment conserver la culture et la langue quand on est loin des offres d’enseignement de la langue française ?
Possibilité d’enseigner sur le web tout en gardant à l’esprit que l’apprentissage du français est plus qu’une question cognitive. Elle est aussi une question identitaire et la magie de cette identité hybride doit passer par la socialisation. Il ne faut pas juste rechercher l’apprentissage de la grammaire et du vocabulaire, mais bien garder à l’esprit l’importance des salles de classes de de la socialisation pour l’acquisition de l’identité française.
Les générations actuelles socialisent cependant en ligne et cette socialisation est à la mode.
L’offre éducative doit donc nécessairement évoluer vers d’autres manières d’enseigner.
Certaines populations qui n’ont pas accès à des programmes d’apprentissage du français demandent à ce qu’il ait des outils mis en place pour le rayonnement de la culture et de l’enseignement français et du français.
Allègement et souplesse de fonctionnement devront également être proposés pour faire évoluer les élèves vers des structures de regroupement
Valorisation de l’enseignement et de l’apprentissage du français par le développement de ressources pédagogiques innovantes.
Ne pas oublier que la France a toujours un attrait particulier pour les américains.
L’attractivité du français est importante dans cette région vu sa proximité des langues latines et sachant que l’espagnol est la 1ere langue étrangère parlée en Californie.
3/ Les diplômes ou certifications
Nombreux sont les parents qui souhaitent également que les enfants rentrent faire leurs études supérieures en France.
Comment y arriver sans baccalauréat français en poche ? Est-ce que les enfants qui n’ont pas le baccalauréat en poche peuvent intégrer les prépas ?
Quelle équivalence pour le Bac International ou le Baccalauréat quand les élèves n’ont pas été scolarisés dans le système américain mais veulent rentrer en France pour leurs études supérieures ?
Est-ce qu’un cursus non français permet de comprendre le système éducatif français supérieur et l’intégrer sans échouer parce que les codes sont différents ? Référence à la constante macabre qui est très présente dans le système éducatif français.
Le programme Campus France recrute de jeunes étudiants américains qui souhaitent aller faire leurs études en France ou l’éducation supérieure est bien moins chère qu’aux Etats Unis.
Des américains poussent leurs enfants à apprendre le français pour ensuite aller étudier en France.
Plutôt que de créer des écoles pourquoi ne pas intégrer nos écoles dans les écoles américaines. Le modèle EFBA se présente comme tel (reconnu par la France par le biais du DELF et par les systèmes locaux comme supplementary program)
Comment d’autre part préserver l’intérêt du français quand on voit que certains décident de partir dans des structures américaines. Comment positionner alors le français quand l’intérêt pour le français ne semble plus faire partie des choix des élèves ?
Puisque les lycées localement sont très cotés serait-il possible d’imaginer des partenariat avec les lycées locaux qui sont à la pointe de l’enseignement des langues ?
Nous devrions nous positionner comme les maillons d’une grande chaine et renforcer les collaborations avec les établissements américains pour l’enseignement français et son rayonnement
L’éducation française semble oublier les élèves qui ont quitté le système.
Le système CNED n’est pas adapté aux enfants qui sont scolarisés. Il a une très mauvaise réputation.
Proposition de faire des ponts entre le niveau de français et celui de culture générale ; les évaluations devraient exister pas non seulement pour le bac mais pour les collèges etc...
Une sorte de test qui pourrait se faire à tous les niveaux pour que les parents qui le souhaitent puisse le faire passer à leurs enfants ; ceci permettrait aux parents d’aider leurs enfants à conserver la langue et connaitre le niveau.
Peut-être imaginer une évolution de l’offre du CNED pour répondre aux demandes des élèves qui sont sortis du système scolaire français.
Est-ce que le gouvernement pourrait imaginer un système comme IXCL ? Outil pour tout parent qui veut savoir ce que les enfants doivent savoir suivant le niveau scolaire où il se trouve.
Certains sont contre les méthodes d’apprentissage numérique qui limite l’apprentissage.
Les plateformes d’enseignement doivent être adaptées pour les gens hors de France.
4/ Coût de l’enseignement
Même avec le système de bourses l’accès à l’école est difficile et élitiste.
Il faut avoir les moyens de s’offrir l’apprentissage. Il y a une sélection par l’argent.Quelle est la politique publique pour faire fonctionner la mission de rayonnement et du service public à l’étranger ?
Quel va être l’instrument de politique publique pour servir la diaspora qui s’installe maintenant de manière plus durable pour avoir un outil de rayonnement et participer ainsi à la transmission des valeurs et à l’équilibre du monde ?
On peut se poser la question de savoir si l’on a des droits, et pas de devoirs parce que si on ne payent pas d’impôts on ne peut prétendre à un enseignement gratuit.
Il doit y avoir un ajustement entre les charges et les recettes.
Débat sur la valeur de l’éducation et le coût d’un élève en France et à l’étranger.
Les français de la région veulent aussi se rapprocher du système américain, pour une plus grande inclusion.
« En arrivant dans un pays étranger on ne veut pas perdre quelque chose mais le gagner ; gagner dans l’aventure, l’expérience, l’apprentissage d’une nouvelle langue, d’une nouvelle culture etc.. mais pas pour renoncer à sa langue et culture en vivant à l’étranger je n’ai jamais réalisé à quel point j’étais française , il a quelque chose à travers la langue , la culture, l’identité, qui est un fil continu, et pour ça il faut avoir une vision qui a de l’ambition. Aujourd’hui on nous montre les bienfaits du bilinguisme, avec la langue viennent aussi des multiples personnalités, des êtres humains plus complets. Quels moyens est-ce que la France se donne pour le mettre en œuvre pour permettre aux Français de l’étranger de ne pas vivre en autarcie dans une communauté française repliée sur elle-même ? »
Gwladys Louis Marie ; Coach de Vie, Membre du CA de l’Alliance Française de la Silicon Valley
Recommandations pour l’avenir de l’enseignement français
La région de San Francisco est très étendue et possède une offre éducative très diversifiée. De nombreuses villes dans le monde avec une population similaire voire supérieure n’ont qu’un seul lycée français. Les projets des familles sont également très variés.
Plutôt que de proposer un modèle unique il serait utile de regarder chaque région de manière indépendante et d’analyser les spécificités locales pour pouvoir s’adapter aux éléments locaux (évènement sociaux économiques, étendue de la région dans laquelle se situe la diaspora française, offre scolaire du pays hôte).
La remarque que l’enseignement français dans la région ne semble pas avoir pu « se vendre » et se promouvoir peut paraitre sévère. Il est parfois encore perçu comme n’étant pas fait pour s’adresser aux francophones mais au franco-français. La mixité sociale est importante pour la formation des jeunes de demain, mais sachant que les points d’entrée dans ces établissements sont limités, ils restent réservés à une petite partie de la population. Le modèle de lycée français pour les Français expatriés est aujourd’hui obsolète. Une proposition de mise en place de système d’immersion locale pourrait permettre une plus grande inclusion et aurait ainsi un plus grand impact de rayonnement de la langue française, et du système éducatif français sur le long terme.
Il conviendrait toutefois de rajouter que les établissements privés participent à un écosystème qu'il ne faudrait pas détruire en implantant massivement des programmes gratuits ou semi-gratuits dans des établissements publics. Une gouvernance française pouvant être très mise à mal dans ces établissements et la réelle qualité de l’enseignement dans ces établissements à gouvernance locale pourrait être difficile (voir impossible) à maintenir.
Idéalement un système qui réussirait à préserver les deux modèles qui pourrait totalement cohabiter si l'on est prudent dans les implantations locales.
Bien que controversée lors de la soirée, la question de l’enseignement en ligne doit être soulevée :
Mise en place de partage de plateformes avec d’autres établissements scolaires.
Possibilité de s’associer avec d’autres établissement français ou locaux et proposer ainsi un plus grand panel de matières aux élèves.